Budget, boulimie et plan de bataille

Budgets…
 
Pour continuer et étoffer mon sujet « budget » de l’émission de dimanche, j’aimerais vous proposer un scénario de « home studio pour débuter ».
 
Entendons-nous bien : on peut commencer avec 0€ en effet. Les cartes sont internes ont fait d’immenses progrès, il y a des séquenceurs libres de qualité et beaucoup de gens ont maintenant un micro-casque (merci WoW et Skype). La plupart des nouveaux ordinateurs portables embarquent un micro interne et les écouteurs de type « iphone » arrivent à restituer des sons assez corrects. Du coup, vous pouvez commencer « à zéro budget », pour bidouiller quelques trucs. Comme on a pu vous le dire dans l’émission, entendre sa voix est parfois surprenant, cela mérite quelques essais pour « s’y faire ». Vous pourrez d’ailleurs « produire » un tas de choses intéressantes avec cette configuration minimale. Mais je ne pense pas qu’on puisse vraiment dire que vous avez un « home studio ». Disons que vous explorez les capacités multi-médias de votre installation informatique.
 
Pour construire ce scénario budget de home-studio débutant, j’adopterai quelques principes de base :

  • Disposer d’une interface son externe USB. D’une part pour pouvoir la conserver en changeant de PC, d’autre part parce que les connectiques « mini jack » des cartes son internes ne sont souvent pas terribles. Aussi parce que c’est un premier pas vers le monde des interfaces audionumériques un peu élaborées : il y a des potentiomètres, voire des faders, et des connectiques « pro ».

 

  • Disposer d’une solution qui ne permette pas que du podcast/voix calme, mais qui vous permette aussi d’enregistrer « proprement » un peu de chant et/ou d’instrument électrique (guitare, basse, e-mandoline ou autre).

 

  • Pour être évolutif, disposer de matériel compatible avec tous les autres matériels de home studio, des plus simples aux plus « pros ». Cela veut dire principalement « utiliser des connectiques XLR et TRS » (on parlera connectique dans une autre émission).

 

  • Ne pas entrer dans le monde des enceintes de monitoring. Pour deux raisons : d’une part parce que cela nécessite vraiment une étude dédiée de votre environnement acoustique et d’autre part car la qualité a un cout qui n’est pas toujours compatible avec les « solutions de base ». Pour 30-50€ on n’a pas de « bonnes enceintes » précises dans toutes les plages de fréquence. Les bons casques sont plus abordables et les défauts du « mixage au casque » ne sont pas de nature à entraver les débutants.

 
Voilà, avec ces pré-requis, je vous propose d’explorer les solutions et les budgets.
 
 

  • D’abord, « quel micro » ? Bon…Disons que c’est le thème de l’émission de la semaine prochaine donc… Je vais essayer de ne pas trop en dire. D’emblée, prenez un micro avec une connectique XLR, pour la versatilité et la compatibilité avec les autres éléments du home studio, y compris ceux de vos copains. Oubliez les micros que vous utilisez pour papoter sur le net avec une petite prise minijack. Bien entendu, on peut faire des choses formidables avec, mais, là encore, ce n’est que de l’informatique multimédia, pas du home studio. Ils trouvent aussi très rapidement leurs limites dès qu’on sort du registre de la voix parlée à timbre modéré.

 

  • Je ne conseille pas de micro USB. Pourquoi ? Précisément parce qu’ils ont besoin d’un ordinateur pour fonctionner et que je préfère distinguer le micro de l’interface audionumérique. C’est un choix. Vous ne pourrez avoir qu'un seul micro et il vous sera impossible de le brancher sur une table de mixage (dans un studio à louer par exemple). A noter que certains micros USB sont devenus des usines à gaz avec diverses fonctions audio pour faire « comme une carte son ». Je suis assez dubitatif à titre personnel sur les « couteaux suisses ». Ne serait-ce que parce que si l’équipement vous lâche, vous perdez tout.

 

  • Micro statique ou dynamique ? J’aurais tendance à dire « un micro dynamique correct vaut mieux qu’un mauvais statique ». Vous pourrez utiliser le micro dynamique en live, en extérieur ou dans des environnements bruyants avec beaucoup moins de problèmes. Muni d’un pied de micro « normal », vous pourrez aussi faire des prises de son propres sur beaucoup d’instruments acoustiques. Les micros dynamiques peuvent aussi prendre le son des amplis de guitare sans trop risquer pour leur survie. Les micro statiques sont plus délicats d’emploi et ne vieillissent pas toujours bien entrée de gamme. Même si on trouve des micros dynamiques « corrects » à 30 euros (comme le t.bone MB85), je recommande plutôt un micro dynamique à 40-50 euros. Par exemple, dans cette gamme, j’ai testé pour vous le t.bone GM-55 « grille pain Cylon » qui est « plutôt pas mal » en précision de voix. Il a un look cool (c’est important si, comme le Mago, vous utilisez votre studio pour draguer) et est assez robuste. Il est flatteur pour la voix, mais n’est pas trop mauvais dans les hautes et basses fréquences.

 

  • A tous hasards, attendez quand même la prochaine émission, on vous en dira bien d’avantage sur le sujet !

 

  • Il vous faut un câble. Je vous conseille un câble XLR de bonne qualité, de type Cordial. Les économies sur la câblerie sont de petites et fausses économies. Les câbles "premier prix" crachotent, se dessoudent, s’entortillent comme des spaghettis lubriques et finissent par mourir au bout d’un an ou deux. Prenez au moins 2,5 mètres (7€), mais plutôt 5 (8€). Là encore, vous pourrez vous balader avec plus facilement, voire faire de la scène ou enregistrer dans des positions improbables.

 

  • Un pied de micro. Là encore, évitez les premiers-prix, à moins d’être certain de ne jamais avoir à le déplacer. Et vous aurez besoin de le déplacer, ne serait-ce que pour changer de pièce. Un pied K&M « de base » c’est bien (20€).

 

  • La suspension ou « shockmount » n’est pas indispensable sur un micro dynamique. Votre pied de micro muni de bons caoutchoucs absorbera l’essentiel des vibrations qui pourraient vous gêner et les micros dynamiques n’ont pas besoin d’être suspendus comme de vieilles chaussettes sur une corde à linge.

 

  • Enfin, achetez un filtre antipop. Il vous en coutera 15€, mais vous aurez là encore un matériel qui vous suivra des années. Bien entendu, il est possible de faire avec un cintre et un bas nylon, mais bon… C’est beaucoup moins pratique et un peu moins efficace. Tant que vous y êtes, prenez une « bonnette », un petit capuchon de mousse à 2€ qu’on met sur le micro. Ainsi, vous pourrez aller dehors sans problème et enregistrer malgré une légère brise (le GM-55 a sa propre bonnette « inside »).

 

A ce stade, vous avez dépensé environ 90€. Je sais, c’est déjà un budget… Vous pouvez prendre un câble, un pied et un micro « moins chers » et arriver à 45-50 euros. Bon, à vous de voir. A mon avis, mieux vaut attendre un ou deux mois de plus et arriver avoir un matos plus correct. Le pied et le câble vous suivront de longues années pour ce prix. Et avec un peu de soin, le micro aussi ! J’ai testé des pieds « entrée de gamme » et des pieds « corrects », il n’y a pas photo. Pour les cables non plus. Mais je voyage beaucoup avec mon matériel.
 

  • L’interface audio maintenant. Là, deux solutions : soit acheter une petite table de mixage (ou « mixette ») et une interface USB d’acquisition, soit un objet « tout en un ». Les pré-requis sont surtout en termes de connectique d’entrée : disposer d’au moins une entrée XLR avec un préamp ET une alimentation 48V (ou « phantom ») pour alimenter certains micros (les « statiques » - vous finirez bien par en avoir un) et disposer d’une entrée « TRS » ou « gros jack » dédiée instrument, pour pouvoir y brancher directement un instrument électrique (ce que ne permettent pas toutes les mixettes - attention). En sorties, il est utile de disposer de connecteurs « RCA » (les connecteurs de votre chaine Hifi), mais aussi « TRS » et, pourquoi pas, d’une sortie optique. Il vous faut une sortie casque et bien entendu il faut un port USB pour brancher ça sur votre ordi. Pour tirer les prix, vous pouvez brancher une petite mixette directement sur l’entrée mini-jack « line » de votre carte son de PC (avec un cable RCA - mini jack). J’ai commencé comme ça, c’est « pas si pire » comme disent les Québécois.

 

  • Assurez-vous que la carte embarque des pilotes ASIO, même si à ce stade vous ne savez pas et n’avez pas à savoir à quoi ça sert :).

 

  • Dans la gamme des 70-100€ il y a le choix. Dans cette gamme de prix, tous les modèles se valent un peu, les usines en Chine étant souvent les mêmes. Tascam, Behringer, M-audio, Miditech… Essayez de trouver un modèle en promo, pendant les soldes. par exemple, le modèle "n-1" de l'an dernier.

 

  • Un mot sur les « préamplificateurs » : il existe des appareils dédiés, des « préamps », censés être meilleurs que ceux de votre carte son. Souvent le vil vendeur essayera de vous refiler un modèle « à lampe » pour avoir un son « plus chaud ». Gare ! Effectivement cela marche bien : avec un excellent micro et un préampli super moumoutte, on a un son « ouah ! ». En dessous de 500€, en revanche, on a vite un son « pouah ! ». 450€ pour enlever le « p »… Passez votre chemin et préférez des préamplis de carte son / mixette « corrects ».

 

  • Enfin, essayez de trouver une carte son offrant un séquenceur en « bundle » ou utilisez des logiciels libres. On trouve maintenant Cubase LE ou Abelton Live avec beaucoup de modèles de carte son d’entrée de gamme, c’est un bon moyen de s’aventurer dans le monde des séquenceurs « pro », même si le cout d’entrée n’est pas nul.

 
Et voilà. Vous avez ce qu’il vous faut. Comme je vous le disais, votre casque de lecteur MP3 peut suffire, ou vos enceintes de PC (n’oubliez pas l’adaptateur « mini jack – gros jack » à 50 centimes). On est déjà à environ 160-200€, mine de rien !
 
A titre personnel, je vous conseillerais l’achat d’un bon casque. C’est-à-dire « pas un truc acheté en fonction des pubs du métro ». Du coup, un mot sur le « monitoring » quand même. En studio, on a besoin de matériel d’écoute qui restitue le son de manière « objective », c’est-à-dire sans modifier les fréquences. Les casques Hi-Fi, comme les chaines Hi-Fi (ou même vous écouteurs MP3) sont « flatteurs » pour certaines fréquences, pour produire un son plus rond (en ce moment la mode est de booster les basses partout - pas toujours avec précision hélas). Du coup, pour mixer en toute objectivité, ce n’est pas l’idéal.
Si vous avez encore une tirelire à casser donc, essayez un casque Audio-Technica, Senheiser ou AKG. Par exemple le fameux « AKG K-121 » a fait les beaux jours d’un tas de home studios, même « amateur +++ » pour environ 70€. En outre, il vous fera redécouvrir certains albums de vos groupes préférés, croyez-moi !
Voilà pourquoi je maintiens qu’il vous coutera environ 300€ pour débuter dans le « home studio » : un micro correct, un pied et un câble de bonne qualité, une interface simple mais efficace et un bon casque. Sans oublier les quelques « bricoles » nécessaires (pince à micro, antipop, peut-être un 2e cable XLR au cas où, voire un « jack » pour guitare électrique, car les guitaristes oublient TOUJOURS le leur). Vous pouvez du coup vous enregistrer avec votre fidèle guitare/basse, recevoir n’importe quel musicien chez vous ou constituer un plus gros studio temporaire avec les copains. L’ensemble supportera les évolutions graduelles de votre configuration.
Selon vos besoins propres et votre ambition, vous pourriez avoir besoin de :

  • Un petit clavier de contrôle MIDI pour « jouer » du synthé ou contrôler des instruments virtuels (batterie virtuelle ou autre). Cout : environ 50-100€.
  • D’avantage d’entrées micro sur votre installation, pour recevoir des invités chez vous par exemple. Là, à vous de voir, Une petite table de mixage s’impose au-delà de deux micros branchés simultanément, pour « mixer » un son de sortie correct.
  • Des micros spécifiques pour vos instruments de musique. Si vous jouez de la pirouette moldave à hanche inverse ou du saxomonica diatonique slovaque. Un micro statique à « condensateur » (ou « cigare ») est utile en studio. Comptez là encore 50-100€ en entrée de gamme.
  • D’autres trucs auxquels je ne pense pas !
  • Les enceintes de monitoring c’est « un autre monde ». Cela dit, pour 150€ on a maintenant quelque chose de correct pour mixer de la « voix/chant » et de la guitare, à condition d’avoir un environnement acoustique correct. Sinon, le casque reste un bon compromis.

 
Et voilà. J’ai misé la cohérence, la robustesse, la versatilité, la compatibilité et la capacité d’évolution. Du coup, c’est sans doute plus cher que toutes les solutions possibles entre 0 et 300€. Mais honnêtement, après 10 ans de bricolage tous azimuts, je suis assez confiant dans ce scénario « de base » pour vous ouvrir l’avenir radieux des Sondiers… Même si JBX fait une carrière brillante avec trois allumettes et un micro à 50centimes :) !